ISABEL VOLLRATH - PORTRAIT BY ANNA BROUJEAN

Des sacs de café, des mains découpées dans du papier, des chaussons de danse usés et des plumes par milliers : cela pourrait résumer la collection de fin d'études d'Isabel Vollrath. Intitulé "Lost and Found Saint-Pétersbourg", ce projet retrace son expérience en Russie, où elle a passé deux mois en échange universitaire. Mais Isabel est une conteuse, et en bonne narratrice, les inspirations supportent un récit plus profond et plus recherché. Et si se retrouvent dans les coupes la séduction glacée des femmes de l'Est à travers corsets et tailles hautes, sa collection est surtout l’expression de ses propres sentiments face à une ville dont elle ne comprend pas tout à fait les codes et le langage et où, pour communiquer avec sa propriétaire saint-pétersbourgeoise, elle utilise le dessin comme parole universelle. Et c'est là le talent d'Isabel : communiquer non pas avec des mots mais à travers des choses et retranscrire ses émotions par la matière et le volume. Le sentiment d'être perdue s’exprime dans une robe chemise aux manches multiples, dont, quand on en vient à la façon de la porter, les combinaisons sont infinies. Le sentiment d'être retrouvée, dans cette jupe entièrement constituée d'emballages de café trouvés à Berlin.

Isabel a grandi dans la Black Forest, une chaîne de montagnes allemande, qui, selon la créatrice, cache derrière son nom poétique un profond ennui. Sa mère confectionne elle-même les vêtements de sa fille, lui transmettant ainsi dès un très jeune âge l'amour de la couture. L'accès à la machine à coudre lui étant cependant strictement prohibé, elle commence à faire des altérations à la main, marquant la naissance de son attirance pour le travail manufacturé. Plus tard, décevant les espoirs de son père qui la voyait médecin, elle décide de suivre une formation de tailleur. Mais le métier ne lui permettant pas d'exprimer pleinement ses envies artistiques, elle se dirige vers une formation de design de mode et intègre la Weißensee School of Art de Berlin. Sa première collection sera inspirée d'un voyage à Venise où sa créativité éclot. La ville et ses rues influencent ses croquis. Elle créé elle-même les imprimés de ses vêtements et choisit de les réaliser en relief ; pour accomplir cet effet, elle passe elle-même le tissu de nombreuses fois dans l’imprimante mise à disposition pour son école. Impressionnés par cette collection, ses professeurs décident de lui accorder une bourse pour créer poursuivre ses recherches.

Créatrice inventive, Isabel utilise des matériaux surprenants : les franges en cuir sont en fait des découpes de roues de vélo, les chaussons de danse, référence à l'Opéra de Saint Petersbourg, sont assemblés pour former une veste ou un sac, le velcro orange, rappelant les vestes de chantier, est utilisé pour une robe architecturale à la structure impressionnante. Elle aime le décalage, l'ironie, l'humour subtil, à l'image de Tinguely, son sculpteur favori, comme en témoigne sa jupe composée uniquement de manches de chemises.

Isabel ne s’impose pas de limites et ne s’imagine pas forcément designer dans un futur proche. Elle aimerait créer des costumes, des sculptures, des peintures. Son talent, récompensé par le Baltic Award, est comme ses créations : évoquant des paysages lointains, il ne connait pas de frontières.

 

(August 2011)

Download
ISABEL VOLLRATH_Portrait by Anna Broujea
Adobe Acrobat Document 178.0 KB